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Harcèlement moral au travail : la jurisprudence évolue

Dans un arrêt du 11 mars 2025, la Cour de cassation a marqué une évolution importante en matière de droit du travail, en particulier sur le terrain du harcèlement moral....
Rubrique Justice
12 mars 2025
Harcèlement moral au travail : la jurisprudence évolue

Dans un arrêt du 11 mars 2025, la Cour de cassation a marqué une évolution importante en matière de droit du travail, en particulier sur le terrain du harcèlement moral. Elle y rappelle que la dégradation effective de la santé ou des conditions de travail d’un salarié n’est pas une condition nécessaire pour caractériser une situation de harcèlement moral. 

Cette décision apporte un éclairage nouveau sur l’interprétation de l’article L.1152-1 du Code du travail.

Une affaire emblématique

L’affaire concerne une salariée licenciée en 2016, qui avait saisi le conseil de prud’hommes en invoquant des faits de harcèlement moral subis avant son départ. Elle dénonçait plusieurs agissements répétés de la part de son employeur :

 

  • Une charge de travail excessive ;

  • Des avertissements injustifiés ;

  • L’impossibilité de prendre ses congés pendant une année entière.

Le conseil de prud’hommes, puis la cour d’appel, avaient rejeté sa demande, au motif que les faits rapportés n’avaient pas entraîné de dégradation avérée de ses conditions de travail ni d’altération de sa santé. En d’autres termes, les juges du fond ont considéré que sans preuve de conséquence concrète, il ne pouvait y avoir harcèlement moral.

Mais la Cour de cassation n’a pas suivi ce raisonnement.

Le droit... et l'esprit du droit

Dans son arrêt, la Cour casse la décision de la cour d’appel, en rappelant la lettre de l’article L.1152-1 du Code du travail, qui interdit « les agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Elle précise que la dégradation ne doit pas nécessairement être avérée : il suffit que les faits soient objectivement susceptibles de produire un effet néfaste sur la santé ou les conditions de travail. En d’autres termes, l’impact potentiel suffit à caractériser le harcèlement, dès lors que les agissements sont répétés et que leur nature est préjudiciable.

Conséquences de cette décision

Cet arrêt modifie concrètement la charge de la preuve pour les salariés victimes de harcèlement moral. Il leur sera désormais plus aisé de faire reconnaître leurs droits dans les cas où :

 

  • Ils ne présentent pas de symptômes visibles ou n’ont pas consulté de médecin ;

  • La souffrance n’est pas formellement documentée (par exemple, en l’absence d’arrêts maladie ou de certificats médicaux) ;

  • L’impact sur leur carrière ou leur équilibre personnel est difficile à objectiver.

La jurisprudence ouvre ainsi la porte à une analyse plus fine, plus qualitative que quantitative, des situations de harcèlement : le juge devra apprécier la nature, la répétition et le contexte des faits, sans exiger obligatoirement une preuve de préjudice avéré.

Une avancée pour les salariés et les représentants du personnel

Les représentants du personnel, délégués syndicaux et juristes d’entreprise peuvent désormais s’appuyer sur cette décision pour intervenir plus tôt dans les situations à risque. Elle renforce le rôle préventif des instances représentatives du personnel, tout en facilitant l’accès à la justice pour les salariés victimes.

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